Odile Letortu, médecin coordonnateur, (groupe Hom'age, association LBA), nous a quitté le 1er août 2022. Odile a incarné la philosophie du soin et dédié son temps à défendre l’idée que malgré la maladie d’Alzheimer, les patients conservaient des capacités d’apprentissage qu’elle a su révéler par la musique.
C'est après avoir choisi de découvrir la gériatrie dans différentes structures gériatriques (Caen, Lisieux, Villiers le Bel, Limeil brévannes,) qu'elle "rencontra" des personnes âgées ayant ce que l'on nommait alors une "démence" et décida de se spécialiser dans leur accompagnement. Ce fut une période riche sur le plan relationnel avec ces personnes et sur l'approche de ce qu'est ce soin. Elle découvrit au plus près le rôle ici tenu en priorité par les équipes soignantes. Pour mieux comprendre les personnes Alzheimer et s'adapter à leurs troubles, elle se forma pendant sa thèse de médecine, réalisée dans les années 80, aux modes de prise en charge de ces patients. Elle complétera sa formation par la Capacité de gérontologie (Créteil) en 1985, et le Diplôme universitaire de Neuropsychologie (Caen), en1988. A partir de 1993, elle fut à l'initiative de la création de plusieurs Unités Spécialisées. L'objectif était de créer de véritables lieux de vie où soignants et résidents, avec le soutien des familles, forment une communauté riche d'échanges et d'actions communes. Sa philosophie s’est développée sur l’idée que les personnes accueillies elles mêmes savez nous guider: "nos patients, nos maîtres " écrit JB Pontalis, recommandant de ne pas réduire les personnes à leur maladie, ni de les enfermer dans des concepts qui "font l'oubli du singulier, du différent". C'est à l'aune de cette recherche d'un soin qui soit au plus près des attentes des personnes, se gardant au mieux de définitions uniquement négatives, et en se tournant le plus possible vers leurs capacités préservées et leur désir de vivre que son travail s’est nourrit. Elle fut à l’initiative de la mise en place auprès de ces personnes d’ateliers chants puis a proposé lors de ces ateliers l’apprentissage de chants nouveaux au cours desquels elle fût stupéfaite de constater que les patients, malgré leur trouble massif de mémoire épisodique réussissaient à mémoriser des paroles et à fredonner la mélodie de chansons pourtant initialement parfaitement inconnues. Odile Letortu est venue à la rencontre des chercheurs de l’unité Inserm U1077 dès 2005 et les a sollicités en particulier Hervé Platel et Mathilde Groussard pour tenter de décoder et apporter des réponses à ses observations cliniques inattendues. De cette complicité entre cliniciens avec en première ligne Odile Letortu et Caroline Mauger neuropsychologue et chercheurs est né de nombreuses recherches expérimentales, et un film particulièrement illustratif des effets de la musique chez les personnes présentant une maladie d’Alzheimer.
Malgré le départ d’Odile nous garderons dans nos recherches cette volonté de considérer les patients sous l’angle des capacités préservées plutôt que des déficits qui progressent avec la maladie et ainsi poursuivrons à transmettre ses idées le plus longtemps possible.
A voir : Film d’apprentissage de chants nouveaux avec la lumineuse Odile Letortu
https://www.youtube.com/watch?v=z8vPk-DbADo
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